Elcya est une deereindir vivant seule dans la forêt. Elle habite une petite maisonette, située dans une clairière. Elle est construite en bois et son toit est en chaume. Tout autour de la maison, il y a de grands et beaux rosiers qui répandent une odeur très délicate. Chaque matin Elcya les arrose avec soin. Il y a en tout trois fenêtres, deux sur la façade avant et une à l'arrière. Sous les fenêtres des pots de fleurs, précisément des tulipes, sont accrochés. L'extérieur de la maison est magnifique et coloré, jusqu'à la porte qui est joliment décorée. Un chemin de pierres plates mène à celle-ci. A l'arrière de l'habitation, se trouve le chevalet d'Elcya, l'endroit où elle passe le plus clair de ses journées à peindre et à écouter le gazouillis des oiseaux, le chant des grillons... Un lieu si paisible, qui l'inspire tant.
Elcya peint, et ce depuis son plus jeune âge. Elle représente des paysages, des arbres, des animaux... son environnement est sa muse. Elle aime observer, puis re-créer en y apportant sa touche. Ses oeuvres sont splendides.
En entrant dans la maison, on trouve une grande pièce dans laquelle se trouve la cheminée à droite. Il y reste quelques braises encore chaudes. En face de la cheminée, un canapé en osier avec quelques coussins verdâtres. Au sol, un beau tapis représentant des roses, ces fleurs qu'elle aime tellement. Au fond à droite, il y a une petite commode en bois surmontée d'un miroir au cadre doré. Sur la commode sont posées une belle orchidée en pot ainsi qu'une banale boîte à mouchoirs. Du côté gauche, on retrouve une cuisine, meubles en bois tout comme les plans de travail. Au milieu, une table rustique et des chaises en osier de même que le canapé. Sur la table, il y a une grosse corbeille à fruits, principalement des pommes et des cerises. Sur les murs de toute la pièce, des toiles sont accrochées, toutes plus belles les unes que les autres.
Enfin, quand on emprunte l'escalier en face de la porte, on arrive sur la chambre d'Elcya. Une chambre simple, mais agréable : un petit lit aux draps verts, un tapis au milieu de la pièce, quelques plantes vertes et une belle peinture colorée au dessus de la tête de lit.
Tout cet univers était très cher à Elcya, elle s'était créée sa petite bulle calme, paisible, tranquille, au beau milieu de la forêt. Bercée par les bruits de la nature, chaque soir elle s'endormait en réfléchissant à ses prochaines oeuvres. L'inspiration ne lui manquait jamais, elle espérait vivre toute sa vie à peindre, dans son petit paradis.
En rentrant d'une promenade matinale dans les bois, des grondements se firent entendre. Un bruit très peu habituel, qui surprit beaucoup Elcya. Intriguée, elle décida de se rapprocher du bruit, en gardant tout de même ses distances, s'il y avait un potentiel danger. Plus elle s'en rapprochait, moins elle était sereine. Elle sentait que quelque chose avait changé, l'air était bizarre, inhabituel, elle ne se sentait plus à sa place, dans cette forêt dont elle connaissait tous les recoins. Elle était pourtant incapable de comprendre qu'est-ce qui avait changé.
Les grondements s'intensifaient, elle perçut ensuite de gros craquements, comme des branches qui se cassent. De plus en plus, de plus en plus fort... Elle se rapprocha un peu plus et à travers les arbres, elle vit ce qu'il se passait. Des arbres tombaient par dizaines. La forêt se faisait détruire.
D'énormes machines, qui rejetaient dans l'air une fumée acre arrachaient les arbres, les plantes. Des animaux fuyaient. Elcya ne savait pas quoi faire, elle était perdue et se sentait impuissante. Ce monde, cet environnement qu'elle chérissait tant, qui l'inspirait tant se détruisait devant ses yeux. On enlevait une partie d'elle même, un pillier sans qui tout s'écroulerait. Son paradis, son cocon était ruiné. Les larmes ne coulaient même plus tellement la douleur était forte, Elcya était là, à contempler le désastre, paralysée.
Les machines se rapprochaient, toujours plus, si rapidement. Elle reprit ses esprits, fit demi-tour et courut jusqu'à chez elle, aussi vite qu'elle pouvait. Son coeur battait si fort dans sa poitrine, les battements résonnaient dans sa tête. Arrivée dans sa maison, après sa course folle, elle avait peu de temps et tellement de questions. Sa raison lui criait de fuir, son coeur lui soufflait de rester. Elle ne pourrait pas arrêter le massacre de la forêt. Alors elle rassembla quelques affaires, sa toile favorite et quelques fruits entre autre. Elle dût abandonner son chevalet, trop gros et bien trop lourd.
Elle engloba ses affaires dans un torchon et fila jusqu'à la sortie de la forêt. Jamais elle n'en était sortie, elle y était restée depuis sa naissance. Des plaines s'étendaient à perte de vue, le soleil rayonnait au dessus d'elle. Un vent frais lui caressa le visage, elle inspira. L'air semblait si pur. Ce magnifique paysage lui fit oublier pour quelques instants le drame de la forêt...
C'est ainsi que commença un long périple dans les terres d'Aydo'h. Elcya avait de nouveaux buts. Comprendre ce qu'il s'était passé. Apporter des réponses à ses questions, l'une d'entre elles restant "Pourquoi ?". Et retrouver son endroit de paradis, revenir à la normale.
Elcya se réveilla en sursaut. Le soleil était déjà haut dans le ciel, la journée promettait d'être chaude. Voilà déjà quelques jours qu'elle avait fuit la forêt. Depuis, elle n'avait pas arrêté de marcher. Elle était perdue dans ce monde si vaste, elle le savait, mais elle tentait de se convaincre du contraire pour ne pas se décourager. Elle regarda à côté d'elles les affaires qu'elle avait prises et souffla. Il ne lui restait que peu de nourriture, et toujours rien à l'horizon, pas de village, ni de maison, rien du tout.
Elle croqua à peine dans une pomme en guise de petit déjeuner puis se leva, repris son petit baluchon et continua à marcher. En chemin, elle repensa à ce cauchemar, celui qu'elle faisait toutes les nuits depuis qu'elle était partie. Elle voyait les énormes machines détruire sa maison, son chevalet, ses plantes et elle se mettait à crier de toutes ses forces, mais les machines continuaient, comme si elles ne l'entendaient pas. Chaque fois qu'elle y pensait, elle en avait froid dans le dos.
Elle marcha toute la journée, sans faire une seule pause, ses pattes étaient meurtries, elle avait chaud et faim. Le soleil lui brûlait le dos, car il n'y avait presque aucune zone d'ombre sur les plaines, mis à part quelques arbres.
Après cette longue journée de marche, elle s'arrêta et se posa. Le soleil commençait à se coucher, offrant un spectacle magnifique : un ciel orangé et rose et une magnifique lumière. Voir le ciel au soleil couchant était son réconfort. Les plaines étaient dégagées, contrairement à sa chère forêt, le spectacle était encore plus beau. Elle aimerait tellement peindre cette scène, mais à son plus grand malheur elle n'avait emporté avec elle aucun de son matériel...
Elle ferma les yeux petit à petit et se laissa bercer dans le monde des rêves...
Elcya dormait encore quand elle entendit des voix autour d'elle, qu'elle ne connaissait pas.
"Tu penses qu'elle va bien ?
- Elle a l'air mal en point...
- Oh ! Elle bouge !
Chut ne la réveille pas..."
Elle ouvrit les yeux, et vit deux têtes penchées sur elle. C'était deux stoufixs qui la fixait. Elle prit peur, se releva d'un coup et dit :
" Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?
- Nous nous baladions par là, comme à notre habitude, et nous vous avons trouvé. C'est rare de voir des gens par ici, rétorqua l'un des Stoufixs.
- Nous habitons à Forestia, vous devez sûrement connaître, dit l'autre.
- Euh... en vérité, non, je n'ai aucune idée de ce qu'est Forestia, balbutia Elcya. "
Les deux Stoufixs restèrent bouche bée... Forestia était très connue dans toute la région, cette forêt magique protégée par un filtre invisible et infaillible permettant ainsi la sécurité de tous ses habitants. Personne ne savait réellement si c'était une légende ou une vérité, à part ses habitants.
" Bon, alors dis nous ! Comment tu t'appelles ? lança un des Stoufixs.
- Elcya, et vous ?
- Mon nom est Deerelle.
- Et le mien c'est Pastelle. Nous sommes frères et soeurs !
- Tu as l'air un peu perdue... murmura Deerelle.
- Oui, je... j'ai perdu ma maison. J'ai du m'enfuir..., les Stoufixs la regardèrent alors avec des yeux plein d'empathie.
- On te comprend, nous avons nous aussi perdu notre chez-nous lorsque nous étions jeunes. Nous nous sommes enfuis, seuls, nos parents sont malheureusement restés, et on ne les a plus jamais revu..."
Les yeux de Deerelle et Pastelle devinrent humide et Elcya avait la gorge nouée... Il se passa quelques minutes sans que personne ne parle. Soudain la deereindir leva la tête et demanda :
"Je n'ai plus d'endroit où dormir, ça fait plusieurs jours que je marche... Je ne veux pas paraître impolie mais pourriez-vous m'héberger ? Quelques jours, le temps que je reprenne des forces pour mon voyage.
- Mais oui bien sûr pas de soucis ! s'exclamèrent en coeur les frères et soeurs.
- Je vous en remercie, vraiment. Vous habitez donc à Forestia ? C'est loin d'ici ?
- Non pas très, si on part maintenant on y sera pour 16h. Forestia est une forêt magique, nous sommes protégés par un filtre qui rend notre village invisible au monde extérieur. Il nous protège également. Ce sont les magiciens de Forestia qui le conservent, et nous en sommes tous vraiment reconnaissants, expliqua Deerelle.
Elcya était émerveillée... Elle avait plein de questions à poser.
- Vous êtes beaucoup dans ce village ?
- Oh, pas tant que ça, une centaine d'habitants, pas plus !"
Elcya et ses deux nouveaux amis se mirent alors en route.
Ils arrivèrent après une petite heure de marche. Les Stoufixs s'arrêtèrent et clamèrent "C'est ici !". Elcya était déçue, il n'y avait rien. Une terre brûlée, des arbres au sol, aucune végétation. La forêt qu'ils avaient promis n'était pas là. Elle ne comprenait pas...
Pastelle tapa trois fois du pied sur le sol et murmura un charabia bizarre... Elcya n'en comprit pas un seul mot. C'est alors qu'apparut devant ses yeux ébahis une forêt aux immenses arbres verdoyants. Il y avait plein de petites maisons accrochées aux troncs, toutes reliées par de petits ponts suspendus. Au milieu des arbres un énorme plateau en bois était accroché par des cordes, des ponts permettaient d'y accéder, comme pour les maisons. Il y avait au centre de ce plateau un tronc qui dépassait et il en jaillissait de l'eau. Une fontaine naturelle ! pensa-t-elle. Sur cette place il y avait de nombreux pot de fleurs : des roses, des tulipes, des orchidées... Un Stoufix jouait du violon tandis que quelques créatures de dos l'écoutaient. Partout des Stoufixs, des Lunaris, des Minoushas, des Flamiris, des Ürsëals des Deereindirs aussi ! Et un tas d'autres créatures fourmillaient dans toute la ville-forêt.
Elcya était simplement éblouie, impressionnée par cette forêt magique... On dirait qu'elle était tout droit sortie de ses rêves.
Elle retourna à la réalité quand Deerelle lui donna un petit coup de coude.
"Tu dois remplir quelques papiers pour pouvoir rester ici le temps que tu voudras."
Il tourna alors la tête vers un lunaris qui avait à la patte un long formulaire ainsi qu'un crayon. Le lunaris tendit la feuille et le stylo à Elcya, qui le remplit. Il était très long car il y avait tout une multitude d'informations à donner, la plus loufoque étant "Type de toiture préférée", elle avait fait doucement sourire Elcya.
Le formulaire rempli, elle le rendit au lunaris qui le vérifia. Cela prit plusieurs minutes qui lui semblèrent être une éternité. Après quoi il s'exclama : "Bienvenue à Forestia, Elcya ! Je vais vous montrer votre cabane, suivez-moi."
La deereindir le suivit, elle était tout excitée ! Sur le chemin pour aller jusqu'à sa future maison, toutes les créatures qu'elles croisaient lui souhaitaient la bienvenue parmi eux, et se promettaient de venir lui apporter un petit cadeau une fois qu'elle serait installée. Elle était très heureuse, elle ne l'avait jamais autant été depuis le jour du drame.
Après avoir traversé une dizaine de ponts, elle arriva devant une cabane qui ressemblait fortement à sa maison dans la forêt. Elcya en était bouche-bée. Le lunaris lui dit alors :
"Entre, entre, fais comme chez toi. Des meubles sont déjà placés à l'intérieur et la maison est personnalisée en fonction de ce que tu as décris dans le formulaire. Tu peux bien sûr te procurer d'autres meubles et des décorations chez Forestia&Co, cette boutique est située dans la première cabane en arrivant, à droite. Je te laisse t'installer, si tu as une question, n'hésites pas à venir me voir, ou à demander aux habitants, ils seront ravis de t'aider ! À tout à l'heure !"
Elle le remercia et entra dans sa cabane. Elle était ahurie... Tout était exactement comme dans son ancienne maison, son canapé, sa cheminée... tout. Elle avait même une petite terrasse d'herbe pour son chevalet qui donnait sur une vue imprenable sur la forêt verdoyante. C'était magique, tellement qu'elle ne pouvait pas y croire. Tout ça était un rêve ? Elle se mordit l'épaule à plusieurs reprises, mais non, c'était bien réel. C'était fantastique...
Le soir, une fête de bienvenue fut donnée en son honneur. Tout le village était réuni, on chantait, on dansait, on riait...
Elcya ne réussit pas à partir de Forestia. Elle s'y sentait bien, à sa place, elle avait retrouvé un nouveau coin de paradis, les habitants du village entretenaient des liens forts avec la nature, comme Elcya dans sa forêt. Elle était encore plus heureuse, et parfaitement bien entourée, par tous ses nouveaux amis et la nature.
Toutes ses aventures passées étaient oubliées, elle allait maintenant pouvoir aller de l'avant et profiter.
Fin.